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CHAPITRE XV. DE LA STRUCTURE DES DENTS DES HYBODONTES

 

Les genres Hybodus, Cladodus, Sphenonchus et Diplodus qui font le sujet des quatre chapitres précédens, forment une petite famille á laquelle j'ai donné le nom d'HYBODONTES, d’après le genre Hybodus, le mieux connu de ce groupe. Malheureusement je n'ai pu jusqu'ici caractériser la plupart de ces poissons que d’après des dents détachées; il n'y a que le genre Hybodus dont on possède des mâchoires entières et diverses autres parties du corps, telles que des rayons épineux des dorsales et quelques lambeaux de chagrin. Cependant l'analogie que j'ai signalée entre les vrais Hybodus, les Cestraciontes et les Odontaspis, me permet d'affirmer que très-vraisemblablement les Hybodontes en général ne différaient pas notablement des Squales ordinaires dans leurs allures, et qu'ils formaient un type intermédiaire entre les Cestraciontes des terrains les plus anciens et les Squalides des terrains crétacés, tertiaires et de l'époque actuelle.

Il serait á désirer que le mode d'association de ces fossiles nous permît de fixer dès á présent la nature des rayons épineux que portaient les Cladodus, les Sphenonchus et lés Diplodus; mais je ne puis faire á cet égard que des rapprochemens vagues, basés seulement sur l'occurrence de divers types de rayons trouvés pêle-mêle dans les mêmes terrains. Je me bornerai donc á faire remarquer que les Ichthyodorulithes décrits sous les noms d'Onchus, de Tristichius et de Leiacanthus, pourraient bien avoir appartenu aux animaux dont je viens de décrire les dents dans les chapitres précédens.

D’après la structure intime des dents, on peut établir dans la famille des Hybodontes deux divisions, que nous retrouverons aussi dans la structure des dents des Squaloïdes. Dans les genres Hybodus et Cladodus, qui appartiennent á la première de ces divisions, et qui se distinguent par leur couronne en cône obtus, on reconnaît, comme substance principale de la dent, une dentine á canaux médullaires réticulés, dont les mailles s'entrecroisent dans tous les sens. Il n'y a pas de cavité pulpaire principale; seulement l'on voit quelquefois dans la partie supérieure de la couronne plusieurs canaux plus grands que les autres, qui en occupent la place, mais qui cependant sont toujours entourés de canaux secondaires, réticulés et plus ou moins considérables. En général, les canaux médullaires vont en grossissant vers l'intérieur de la dent; cependant leur arrangement n'est soumis á aucune règle fixe. La dentine qui les entoure est traversée par des tubes calcaires, pour la plupart dendritiques, qui partent des canaux, et rayonnent dans tous les sens. On n'aperçoit pas de lisière distincte entre les systèmes de tubes calcifères de deux canaux adjacens. La racine squameuses des dents d'Hybodontes est entièrement formée par le tissu que nous venons de décrire. La couronne, au contraire, présente encore une autre substance qui entoure le noyau formé par la dentine. Cette substance est très-dure, et saute facilement en éclats, de sorte qu'il est assez difficile d'en obtenir des tranches bien minces. Elle est très-nettement séparée de la dentine et forme á elle seule les rides et les plis dont la surface extérieure des dents est ornée. Chez quelques espèces, on aperçoit des tubes calcifères très-fins et très-serrés dans cette mince couche d'émail, tandis que dans d'autres, cette même couche est presque transparente et sans apparence de structure. Les tubes calcifères de la dentine qui se trouvent dans son voisinage sont plus régulièrement disposés que ceux du milieu de la dent. Ils sont parallèles, ondulés, peu ramifiés, á angle droit avec la face extérieure, et ont la même direction que les tubes des dents á dentine simple.

La seconde division, comprenant les genres Sphenonchus et Diplodus, se distingue de la première par la structure de la couronne. Celle de la racine est la même, á quelques canaux médullaires près, qui sont plus considérables que les autres á la base de la couronne. Ces canaux se réunissent dans la couronne sous la forme d'une seule cavité pulpaire, qui monte jusque vers le sommet de la dent, en se rétrécissant insensiblement. Cette cavité est entourée d'une dentine á tubes calcifères droits, parallèles, faiblement ondulés dans leur cours et dirigés verticalement vers la surface de la dent. L'émail qui entoure la couronne est fort mince et plus ou moins séparé de la dentine proprement dite.

Cette structure des dents s'oppose, comme on le voit, au rapprochement que M. Owen a tenté entre les dents des Hybodontes et celles des Cestraciontes. En effet, les couronnes plates qui distinguent les dents des Cestraciontes, et qui en font des instrumens propres á broyer la nourriture, n'ont rien de commun avec les couronnes élevées et coniques des Hybodontes, qui, quoique obtuses dans quelques espèces, étaient évidemment destinées á saisir et á retenir une proie. De son côté, la structure des dents est tellement différente dans les deux familles, qu'elle ne peut que confirmer les conséquences tirées de la forme extérieure.